arguments (extraits)


28 Avril 2018
La semaine dernière, j’ai rendu visite à un ami peintre à Bordeaux. Au hasard de nos rencontres, il me parle des grands noms de l’histoire de l’art, des mouvements fondateurs, des grandes ruptures, des grands inventeurs. J’aime l’écouter. Je lui parle de mes recherches. La semaine dernière, il m’a invité pour la première fois dans son appartement qui est également son atelier. Pas de femme ni d’enfant. Il vit seul avec sa peinture. En ascète. Le rythme de ses journées est complètement erratique. Il peut s’endormir tôt dans la soirée et se lever dans la nuit pour peintre jusqu’au matin, se recoucher et se réveiller pour découvrir son travail à la lumière du jour. C’est un lieu hors du temps. La chambre de Van Gogh. Un petit lit. Très haut et très vieux. En bois, avec un gros édredon rouge de grand-mère. Une table basse. Deux tasses à café et une cafetière froide. Une grande table en bois ovale, délavée, lui sert de support de travail. Une large fenêtre laisse entrer un soleil d’avril très vif. Sur la cheminée, des pots de peintures, des pigments et des pinceaux. Des livres. L’appartement est vide de tout ce qui n’est pas peinture. Le bois du parquet est délavé par le blanc de la peinture nettoyée à la serpillère. Les murs sont recouverts des toiles de la série en cours. Épaisses. Toutes du même format, ou plus exactement de deux formats, sensiblement identiques. Il me parle de Nicolas de Staël, de Piet Mondrian, de Willem de Kooning et plus encore, de la peinture, de l’abstraction, des couleurs, des espaces et du sujet. Je circule en sa compagnie de l’espace à l’objet et de l’objet à la matière. Il me livre des trésors de savoir. Je l’écoute attentivement. Je comprends. Il me perd parfois. Il poursuit. Il me touche. L’épaule, le bras. Il me dit “mon ami”. Je comprends qu’il sait. Qu’il sait quelque chose qui m’est encore étranger. Il insiste avec patience pour que je comprenne. Il fait tout pour. Il veut que je comprenne sa peinture mais plus encore, la peinture. La couleur. Les circulations. Les respirations. Je décide alors qu’à l’issue de cette visite, je ne toucherai plus jamais à un pinceau. Cette décision me rend heureux. Je n’ai plus besoin de peindre puisqu’il est là. Puisqu’il sait et qu’il m’explique. Pourtant, peu à peu je me reprends. Je vois ses toiles. Je ressens la matière sous ses doigts. Je comprends ses doutes, ses errements et ses obsessions. J’ai des pistes. Des intuitions fortes. Je rentre. Tard. Mélanie m’attendait. Je n’ai pas vu filer le temps. Je décide alors de parcourir de Staël et les autres. Pour comprendre. Je fais une toile. Des espaces. Des sujets. Abstraite. Pas de ligne. Une deuxième toile. Des circulations. Des oppositions complémentaires. Je stoppe. Je prends un carnet à dessin et puis… rien. Rien ne vient. Paraphraser de Staël. Pourquoi faire ? Je reprends mon carnet – je quadrille ma feuille. Points et lignes de forces. Rien. Une abstraction. Bien sûr que non. Et puis, une fenêtre. Triangulaire – pénétrante – saillante. Une table ovale, un lit, haut, en bois, … haut, vieux avec un édredon… il sera rouge… des toiles qui débordent, partout. Je suis envahi. A nouveau. Ça y est. Me voilà à nouveau dans l’appartement de la rue de la porte de la monnaie. Chez lui. Dans son atelier. Dans sa chambre, sa table, dans ses toiles. Ses toiles sur les murs. Je suis dans sa peinture…. Ma peinture se déroule alors devant moi. Les couleurs. Le profil de mon ami. Il est rose. Un tapis, vert chatoyant.  Une prairie. Et puis une croix. La fenêtre se dessine. Le croisillon supérieur s’incline. Étrangement. La lumière entre dans l’appartement. Incroyable. Les toiles au mur s’interpénètrent pour dessiner un vitrail. La lumière encore. Je travaille alors sans relâche. La toile m’obsède. Elle m’envahit. Je me lève tôt et me couche tard pour y travailler. A n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Erratique.
Et puis, voilà.
Je l’ai finie.
Ce matin.
Elle est là.
“La chambre de la rue de la porte de la monnaie.”
Une rencontre.


Peindre un mur.
La nuit, le quartier de mon deuxième projet d’”Espace Symbolique” est le territoire des prostituées africaines. Elles travaillent sur le trottoir mais de préférence depuis leur camionnette. Si la lumière est allumée, c’est qu’elles sont disponibles. Je m’installe. Le mur est plus grand cette fois-ci. Je termine le fond gris appliqué au rouleau à la hâte la veille. L’une d’entre elle s’inquiète de ma présence – il n’est bien sûr pas question de filmer. Une autre, en jambières blanches et perruque blonde, disparait dans un buisson un peu trop près de mon matériel… Les heures passent et nous nous habituons les uns aux autres. Je trace des lignes et des repères. Elles me rassurent. Malgré l’heure tardive, l’usine de la papèterie est toujours en activité. Au milieu du manège des voitures de clients et de proxos, des habitants qui fument ou promènent leur chien. Un CRS en uniforme s’approche. Alerté par un voisin inquiet de ma présence, il m’interroge sur le projet, les autorisations… Il comprend et me sourit. Il est en posté à deux blocs et me propose sa protection… “on sait jamais…”. Je continue. Je trace des cercles avec des cordes et des lignes le long de grandes règles préparées pour l’occasion. La ronde de quatre types en voiture se fait plus pressante. Cette première étape se termine. Il est tard. Je remballe. Le jour, c’est différent. Mes copines ont disparu. Leurs “copains” aussi. Dans un processus répétitif et incessant, je reprends le blanc, puis le gris. Je peins. Le ballet de la nuit est remplacé par celui des camionneurs et des habitants des cités voisines qui défilent dans la zone d’activités. Blanc, gris, blanc… le blanc goutte et le gris couvre. Certains klaxonnent et m’encouragent le pousse dressé. Du blanc. Une deuxième couche à la “queue de lapin”. D’autres s’arrêtent. Curieux. Pourquoi ici ? Pourquoi le quartier ? J’affine les lignes et les courbes pour qu’elles soient parfaites. Je leur répond que je ne choisi pas le quartier mais la perspective. Ils comprennent, me sourient et me remercient d’être venu “faire ça ici”. Je décide d’utiliser du scotch pour définir les limites. Parfaire l’abstraction. Encore. A mon tour je comprends. Peindre un mur, c’est différent. Une intimité nait de la relation physique que ce geste suppose. Du blanc, du gris. Les passants interagissent. Affranchis des codes. C’est leur quartier. Je comprends alors que ce n’est plus mon mur. Encore du blanc…. Ça ne l’a d’ailleurs jamais été. Je décolle le scotch. Je ne fais que leur rendre ce qui leur appartient. Minutieusement.


Le bouquet renversé.
Je suis chercheur dans un groupe de physique théorique de l’Université de Bordeaux. Mathématicien de formation, je développe, en collaboration avec un professeur en cancérologie, des modèles mathématiques dédiés au transport des particules pour la radiothérapie ; je partage également avec lui une réflexion sur le thème du soin et plus généralement sur le thème de l’Autre. La “Triangulation du cercle” en est une illustration. Il s’agit d’un mobile d’acier anamorphique tridimensionnel formé d’une ligne unique dont le sens est double. Le Sujet tourne autour à la recherche du point de vue lui donnant à voir soit un triangle depuis un point d’observation précis, soit son contradicteur, le cercle, depuis un point conjugué. La forme est bien sûr complexe depuis tous les autres points de vue. J’ai réalisé cette sculpture pour illustrer deux visions élémentaires parfois simplistes d’une même réalité. Ces deux formes pourtant contradictoires agissent comme des passerelles médiatrices à un dialogue traitant d’une préoccupation commune.
Mon travail sur les ”Espaces symboliques” est une métaphore de la relation du Sujet à son environnement. Il propose une pièce abstraite – bi-dimensionnelle – réalisée in situ et contextualisée dans l’espace urbain. Depuis un point de vue que je choisi, les lignes de force et les trajectoires du paysage se prolongent en un espace abstrait. Le monde réel se double d’un monde imaginaire. Cette expérience géométrique invite ainsi à un dialogue entre une abstraction et le territoire. Dans le rapport de l’imaginaire et du réel et dans la constitution du monde telle qu’elle en résulte, tout dépend de la situation du Sujet ; cette dernière est essentiellement caractérisée par sa position dans le monde symbolique, autrement dit dans le monde de la parole comme le démontre Jacques Lacan dans l’expérience du “bouquet renversé”.
L’objectif de l’expérience géométrique de Lacan est d’illustrer comment la cure psychanalytique, tout en n’agissant que par le langage, est capable de modifier le Moi. Cette expérience consiste à placer une boîte ouverte devant un miroir concave. Un vase est posé sur la boîte, un bouquet de fleurs est suspendu à l’envers dans la boite et donc est à priori invisible pour le Sujet. Si ce dernier choisi de se positionner correctement, le jeu de miroirs lui permettra de voir le vase surmonté du bouquet de fleurs. L’espace réel se double d’un espace imaginaire. Cette expérience illustre la connexion du réel, du symbolique et de l’imaginaire dans la constitution du Moi. Ainsi, le vase – l’espace urbain – est le corps tel que le Sujet le perçoit dans le miroir ; le bouquet de fleurs – l’abstraction – symbolise ses désirs et ses pulsions – c’est ce qu’il y a dans le corps ; enfin, l’œil – le point de vue – est le Sujet lui-même. Autrement dit, le vase est l’imaginaire, les fleurs le réel et l’œil le symbolique. Dans le rapport de l’imaginaire et du réel et dans la constitution du monde telle qu’elle en résulte, tout dépend de la situation du Sujet ; cette dernière est essentiellement caractérisée par sa position dans le monde symbolique, autrement dit dans le monde de la parole nécessaire la constitution du Moi.


Espace symbolique #6 – Un format classique – 3F
Hommage à un format – Commissariat d’exposition Christophe Massé.
L’œuvre Fontaine de Marcel Duchamp définit sans doute les contours de ce qui peut être considéré aujourd’hui comme étant LE format classique. Une céramique blanche… au format exact d’une peinture 3F (27cmx22cm)… un “Urinoir” au format d’une expression “en plein déclin” dit-on ! Le prix est une date bien sûr (1917€).


Je ne suis plus qu’une ligne.
Un simple trait qui se referme sur lui même. Je trace des frontières et des territoires. Leur fonction peut être ambigüe. Elles s’effacent même parfois et deviennent implicites. Les points peuvent quand à eux être singuliers. Indéterminés, ils ont abandonnés à notre libre arbitre. Parfois, dans un autre espace, parallèle à celui de la ligne, des formes géométriques primaires peuvent engendrer une autre circulation. Moins complexe. Plus large. Les deux espaces dialoguent. Une respiration s’installe. La ligne fermée peut enfin engendrer des territoires dont le remplissage est conditionné par la contrainte elle-même. Les espaces ne peuvent ni s’opposer ni se contredire comme nous l’assure le “théorème des deux couleurs”. Je trace mes propres règles pour devenir “comme tout le monde, mais à la manière dont personne ne peut devenir comme tout le monde”. Je résous.


Two colors Theorem.
Dans mes réalisations récentes, je travaille à partir de l’utilisation d’une ligne unique qui se referme sur elle même. Cette contrainte illustre la convergence, dont la théorie nous montre qu’elle est inéluctable, vers un état d’entropie maximum caractéristique de l’équilibre. C’est « la flèche du temps » – la notion d’irréversibilité en est ainsi un corollaire. Dans cette toile, le cercle jaune prend une part prépondérante. Il est le symbole, à l’image de la ligne unique, de la complétude, de l’équilibre et de la sagesse. Parmi les trois formes primaires, le cercle, comme le dit Kandinsky, est « celle qui tend le plus vers la quatrième dimension », c’est-à-dire le temps – la recherche de vérité ou de sagesse. Autrement dit, l’état d’entropie maximum. Enfin, cette toile se nomme « Two colours Theorem IV – la sagesse » car elle illustre également ce théorème de topologie qui assure que tout espace parcouru par une ligne fermée, définit des territoires qu’il est toujours possible de colorier avec deux couleurs au plus.


Le Corbuisier.
J’ai récemment été invité à exposer au sein d’une maison de la Cité Frugès dans le cadre du Cinquantenaire de la mort de Le Corbusier. A cette occasion, j’ai choisi d’y faire dialoguer une peinture murale faite pour l’occasion et un mobile d’acier tridimensionnel. La rencontre avec Felice n’y est évidemment pas étrangère à cet exercice et c’est aussi pour comprendre sa démarche que je m’y suis livré – ce n’est pas le fond de mon travail plastique mais j’ai trouvé qu’il servait également mon propos sur la ligne unique. Cette ligne, unique, anamorphique est à « double sens ». Le spectateur tourne autour à la recherche du point de vue lui offrant un triangle et de son contradicteur, le cercle.
C’est une illustration pour moi de l’intérêt du « hors champs » de ces objets topologiques bien connus des amateurs d’anamorphoses. La forme est complexe depuis la plupart des points de vue, sauf depuis deux points où apparaissent un cercle et un triangle. La règle reste la complexité (et la beauté), même si elle n’est pas l’intention première. Elle est «  complexe presque partout » comme nous avons coutume de le dire en mathématiques ! Ce travail fait, comme vous pouvez l’imaginer l’objet de nombreuses discussions avec Felice. Il prolonge mes réflexions et mon travail de recherche sur l’entropie. Pour la physique, en effet, la règle, c’est le chaos car c’est l’état le plus probable, l’équilibre. Cet équilibre n’est ni le cercle ni le triangle contrairement à ce que notre intuition d’êtres éduqués nous le suggèrerait. Ces deux états sont l’exception… et je ne sais pas ce que vous en pensez mais je trouve que c’est bien qu’il en soit ainsi !


La ligne unique.
Le chemin que m’impose la contrainte de la ligne unique n’est pas celui que j’aurais naturellement choisi. Je ne suis plus qu’une ligne. Je la veux unique. Un simple trait qui se referme sur lui même. Je tend vers cette unité. Celle du patient et du soignant. Celle de soi et de l’autre. Celle d’un espace géométrique contraint et solidaire. Politique. Cet exercice suppose des interprétations duales voir multiples à la signification des courbes. Certains points peuvent apparaitre comme « singuliers » – ambigus car indéterminés, ils sont abandonnés à l’arbitraire. Il m’arrive, dans un autre espace plan, parallèle à celui de la ligne, de proposer des formes abstraites, élémentaires aux couleurs primaires générant une autre échelle de circulation suppléant au cheminement parfois complexe de la ligne. Les partitions définies par cette ligne fermée induises des espaces aux remplissages conséquents de cette contrainte. Assurés de ne jamais s’opposer ou de se contredire. Je tend à devenir “comme tout le monde, mais à la manière dont personne ne peut devenir comme tout le monde” (Guattari et Deleuze). Je fixe mes propres règles. Libre. En paix. En équilibre. Je résous.


Le gardien de musée sénégalais
Dans la salle qui surplombe la céramique de La Piscine du musée Matisse de Nice, il est assis.
Ses deux longues mains noires sont posées sur ses cuisses.
– Bonjour.
-Bonjour, Messieurs.
Il porte une chemise blanche ajustée, une cravate noire et un pantalon noir coupé court sur des souliers entretenus. Consciencieux.
Il regarde droit devant lui au travers de petites lunettes en écailles rectangulaires WayFarer. En faction.
Il se lève de sa chaise.
Élancé.
“- Vous aimez les musées ?
– D’où venez vous ?
– Ah, Monsieur Alain Juppé ! Comment va-t-il ? ”
Il nous parle de ses rapports républicains avec François Hollande.
De sa connaissance de l’Afrique et du Sénégal en particulier.
De sa présence aux cérémonies commémoratives au Sénégal en marge des visites officiels
De l’attachement culturel de l’Afrique à la France.
De l’importance de la culture, de la littérature pour les enfants. Pour ceux de notre pays.
Il est musulman et triste.
Il nous parle de Léopold Sédar Senghor dont il revendique l’héritage spirituel.
Celui qui fit de lui ce qui l’est.
Il est le fils de la volonté de cet homme.
Ils nous parlent des tirailleurs sénégalais, de
son grand-père qui s’est battu en Indochine et en Algérie.
Nous repartons à la hâte pour prendre notre avion sans même terminer la visite du musée
avec tous deux le sentiment d’avoir croisé un ange.


Une ligne.
Au commencement, une ligne. Simple et idéale, claire et séduisante. Minimale. Menue. Une ligne de vie, d’horizon ou bien de cœur. Loin des lignes ennemies, de mire, de défense ou de démarcation. Connectée, mélodique ou rythmique. Un signal. Qui se referme. Pourquoi pas. Un ligne tout à coup infinie donc. Un cercle. Littéraire ou sentencieux, vicieux ou vertueux. Un cercle. Qui s’anime, se bosse et se cabosse, se mêle et se résous. Circonférent. Irrationnel. Se lace et s’entrelace, sans jamais se rompre pourtant. Unitaire. Un cycle. Un noyau. Se multiplie, s’engendre, s’organise, s’ordonne et se structure. Qui bat. Une cellule. Pas de crise ni terroriste, sans barreau ni chaîne. Une cellule. Biologique. Organique. En paix. Libre. A l’origine. En équilibre. Libre de finir et de recommencer. Un cercle. Sans début ni fin. Une ligne. Simple.


Variations
la ligne unique – la ligne dure – la ligne souple – la ligne de fuite – la ligne d’erre – la ligne de flottaison – la ligne de vie – la ligne ennemie – la ligne mélodique – la ligne de mire – la ligne éditoriale – la ligne de démarcation – la ligne de défense – la ligne de conduite – la ligne directe – la ligne en dérangement – la ligne de coeur – la ligne de la main – la ligne directrice – la ligne de niveau – la ligne de portée – la ligne de champ – la ligne de force – la ligne de crête – la ligne blanche – la ligne éditoriale – la ligne d’horizon – la ligne nue – la ligne d’autobus – la ligne de métro – la ligne secondaire – la ligne médiane – la ligne de visée – la ligne du parti – la ligne ascendante – la ligne de fortification – en ligne de compte – la ligne de sa taille – la ligne de refend – la ligne de sonde – la ligne dormante – la ligne de partage – la ligne d’arrivée – la ligne de touche – la ligne claire – la ligne de tir – la ligne de terre – la ligne de foi – la ligne Maginot – Entre les lignes – en première ligne – sur toute la ligne – se mettre en ligne – la ligne du devoir – la ligne politique – la ligne révolutionnaire – en droite ligne – dans les grandes lignes – garder la ligne – avoir la ligne – la nouvelle ligne – pureté des lignes – franchir la ligne – juge de ligne – pêche à la ligne – être en ligne – la ligne de transmission.


Septembre 2014 – Lettre à Guy Kantor, Professeur en cancérologie.
« Cher Guy,
Cette toile répond à ton invitation de réflexion sur le thème du soin. Elle est empreinte de nos discussions et nourrie de ton expérience. Composée d’une ligne unique, elle se veut minimaliste. Si, en première lecture, une entité unique se détache, c’est pourtant bien d’une illustration de l’altérité dans le soin dont il s’agit.
Deux personnages donc.
Le malade, à droite. Il est allongé. Son corps souffre (cercle rouge). Sa main est crispée. Il est inquiet. Il est vulnérable (il est allongé et son cœur est ouvert). Il est pris en charge. Il régresse, rapetisse, se réfugie dans une bulle. Ses pensées sont (trop) complexes.
Le soignant à gauche. Il est rond et féminin. Attentif et protecteur. Neutre et bienveillant (bleu et carré). Ses pensées sont claires. Il enveloppe le patient. Son action est assistée par une technologie complexe (en haut à droite). Il se protège dans sa propre bulle. Il porte une partie de la maladie (cercle rouge).
Au centre, une oscillation. Un dialogue doux et bienveillant est établi entre eux. Dans sa première version de la toile, cet élément ne figurait pas. Comme « une représentation de la bienveillance du soignant » te paraissait essentielle, j’ai ajouté ce signal réciproque et sans heurt. Je me suis alors interrogé sur la nature mathématique d’un tel élément. Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette courbe est la fonction utilisée en physique statistique pour décrire l’état d’équilibre. Plus précisément, il s’agit de l’intégrant constitutif du flux d’un fluide en équilibre. Pourtant ce flux est nul par nature. Ce qui peut être interprété comme un paradoxe n’est dû qu’à « l’insuffisance de nos sens » à percevoir « l’agitation intime » des particules, comme le dit Jean Perrin dans sa « Notice sur les travaux scientifiques » (1923). Par exemple, nous ressentons la température de l’air qui nous entoure mais nous ne sommes pas en mesure de décrire les états microscopiques des particules qui lui sont relatifs. La température, comme le flux, sont des grandeurs macroscopiques, tangibles pour nos sens mais insuffisantes pour décrire une réalité plus complexe. Cette dualité entre le macroscopique visible et le microscopique invisible exprimerait donc le non-dit résultant d’un champs d’interactions distant et invisible mais pourtant constitutif de la relation entre le soignant et le patient.
Le cercle rouge représente la maladie. Il est rond car en expansion et rouge car en tension. Le mal dépasse la stricte géographie du corps comme le dit Michel Foucault dans cet extrait de son « Histoire de la clinique » que tu m’as communiqué. Ainsi, le rond rouge rayonne au delà du corps du patient et le soignant en assume une partie.
A l’image du soignant, le carré évoque une tension. Comme il est bleu, cette tension est sereine et contrôlée.
La séquence (carré bleu/cercle rouge) n’est cependant pas résolue (cercle bleu). Le cercle rouge à côté de ce carré bleu sous-tend un “flux” de l’un vers l’autre nécessaire à la résolution, à la guérison (cercle bleu).
A droite, les bandes jaunes. La lumière. Deux issues une source, ou deux sources et une issue. Le spirituel ou le rationnel.
Cette toile est un outil illustrant une réalité que tu qualifies de « complexe mais pas compliquée » à laquelle
tu es confronté en tant que soignant depuis 40 ans. Elle cristallise ce que tu sais déjà et que je n’ai fait qu’effleurer.
Amitiés.
Jean-Luc. »


L’entropie comme argument – Extrait de “Instabilité et circulation des accords, des formes et des couleurs” (rédaction  en cours)
La question du désordre et de sa mesure est le point de départ de ce travail. Celle de sa structuration a notamment animé de nombreux artistes parmi lesquels des compositeurs. En préliminaire aux réflexions qui suivent, je choisis de consacrer les premières lignes de ce document au concept d’entropie tel qu’il fut introduit par les physiciens pour justement mesurer le désordre. Notre intuition de la physique, induite par les lois classiques, est essentiellement particulaire. Si l’eau contenu dans un verre peut être grossièrement vue comme un ensemble de particules interagissant entre elles comme le feraient de simples billes, deux objections s’opposent pourtant à cette approche. En premier lieu, le verre d’eau contient 2000 fois plus de molécules d’eau qu’il n’y a de volumes de verres d’eau sur toute la planète. Ainsi, sommes-nous dans l’incapacité de décrire le mouvement de l’eau contenue dans cet objet de notre vie courante de manière exacte ou déterministe, comme les lois fondamentales de la physique de Newton nous inviteraient à le faire. Cette échelle dite microscopique est en effet non seulement strictement intangible à nos sens mais est également rigoureusement inaccessible aux moyens de calcul dont nous disposons aujourd’hui. De plus, et c’est sans doute là le plus troublant, cette vision particulaire et déterministe de la physique nous prive d’une intuition qui nous est constitutive, l’irréversibilité induite par la flèche du temps. Les équations qui régissent les trajectoires et les interactions des particules suivant le modèle dît des « sphères dures » sont par construction microscopiques et réversibles : le film de deux boules de billard qui se percutent peut indifféremment être vu dans le sens chronologique ou bien dans le sens inverse. Dans le modèle de collision suggéré par les lois classiques de la physique, aucune direction temporelle n’est en effet privilégiée. La physique de Newton ne rend pas compte de la flèche du temps. Notre appréhension de la nature est principalement macroscopique. Nos sens nous renseignent correctement sur les informations moyennes que sont la température ou bien encore la vitesse de l’eau qui coule dans un ruisseau ou dans un verre. Ces grandeurs nous sont naturellement accessibles de même que la notion d’irréversibilité participe de notre quotidien – le verre tombe et se brise de manière irréversible et nous savons intuitivement juger du sens de lecture du film que nous en ferions.
Depuis Boltzmann et Maxwell, la physique des particules est décrite de manière statistique et non plus déterministe. C’est là un pas considérable. Boltzmann a livré des écrits théoriques et épistémologiques, auxquels de nombreux auteurs ont fait référence et justifiant l’usage des méthodes statistiques en physique. Il introduit la notion d’entropie comme outil de mesure du désordre, basée sur des considérations cinétiques statistiques. Considérons l’exemple souvent utilisé du jeu de cartes. La configuration pour laquelle les cartes sont toutes retournées faces cachées représente ce qui est pourrait être défini comme un état caractéristique de l’ordre parfait. Cette configuration ne peut se produire que d’une seule manière. Dès lors que l’on retourne une carte, c’est le début du désordre. La configuration peut alors être réalisée par autant d’états qu’il y a de cartes, chacun étant équivalent est assimilable à un état microscopique qui réalise l’état macroscopique « toutes cartes retournées faces-cachées sauf une ». A une situation macroscopique donnée en effet correspond plusieurs états microscopiques équivalents qui lui sont compatibles. Lorsque deux cartes sont retournées, le nombre d’états microscopiques qui réalisent cet situation augmente et le désordre avec lui. Ce désordre devient alors bien sûr maximum lorsqu’il y a autant de cartes disposées d’un côté que de l’autre. L’entropie a été introduite pour mesurer le désordre par le dénombrement des états microscopiques capables de réaliser un état macroscopique donné. L’état macroscopique « toutes les cartes sont retournées faces-cachées » n’est accessible que d’une seule manière et par un seul état microscopique. Cette configuration caractéristique de l’ordre est aussi l’état d’entropie minimum. L’état macroscopique « autant de cartes retournées d’un côté que de l’autre » est réalisé par un nombre maximum de configurations microscopiques équivalentes. C’est l’état de désordre et d’entropie maximum. Pour un gaz, il en va de même. La notion de température est une information moyenne témoignant du degré d’agitation des particules. Une même température – état macroscopique – est accessible par une infinité d’état microscopiques équivalents. A l’échelle macroscopique l’état d’un gaz parfait est caractérisé par la donnée d’un petit nombre de paramètres thermodynamiques qui ne nous renseignent en moyenne sur l’état du gaz. Avec le H-théorème, Boltzmann montre en 1872 que le nombre de ces états compatibles, ou de manière équivalente le désordre d’un ensemble de particules, ne peut que croître au cours du temps vers un état d’équilibre qui est unique. Reprenons l’exemple du jeu de carte. Jetée en l’air, chaque carte retombera indifféremment d’un côté ou de l’autre avec la même occurrence. Si cette opération est répétée un grand nombre de fois, l’expérience va tendre vers la configuration la plus probable pour laquelle autant de cartes sont retournées d’un côté que de l’autre. C’est l’état d’entropie et de désordre maximum. C’est aussi l’état le plus probable et il est unique. Le H-Théorème est fondateur de la physique moderne car nous enseigne tout d’abord que l’équilibre c’est le désordre et que tout système abandonné à lui-même tend vers un état d’entropie maximum unique autrement appelé équilibre détaillé pour lequel chaque évènement est exactement compensé par un évènement inverse. Ce résultat constitue un progrès théorique d’une importance considérable puisqu’il montre que des phénomènes microscopiques – les interactions entre particules – induisent l’augmentation d’une grandeur macroscopique – l’entropie. Ainsi, tout état abandonné à lui-même tend vers l’unique état le plus probable qui lui est associé, l’équilibre, de manière irréversible. Autrement dit, ce résultat fournit, et c’est sans doute l’une des conséquences les plus remarquables et les plus inattendues, une démonstration de l’irréversibilité des phénomènes macroscopiques. Ce résultat fut discuté et contesté et fut même qualifié en son temps de « paradoxe de la réversibilité » car démontrant à l’échelle macroscopique la propriété d’irréversibilité à partir de considérations fondées sur des lois microscopiques strictement réversibles.


Entropie et générateurs.
La physique moderne des particules est statistique et non déterministe. Dans ce domaine, le H-théorème de Boltzmann, nous enseigne que l’équilibre, c’est le désordre ! Tout système physique abandonné à lui même tend vers un état de désordre maximum qui paradoxalement est autrement appelé “équilibre détaillé” pour lequel chaque évènement est exactement compensé par un évènement inverse. La notion d’entropie a été introduite afin de mesurer ce désordre. A une situation macroscopique donnée correspond plusieurs états microscopiques équivalents. Considérons par exemple un jeu de cartes, la configuration microscopique selon laquelle toutes les cartes sont retournées du même côté représente ce qui est défini comme l’ordre parfait . L’état macroscopique qui lui est associé ne peut être réalisé que d’une seule façon. Dès lors que l’on retourne une carte, c’est le début du désordre. Cet état peut être réalisé par autant d’états microscopiques équivalents qu’il y a de cartes. Le désordre devient maximum lorsqu’il y a autant de cartes disposées d’un côté que de l’autre. Si, maintenant, nous jetons en l’air, un jeu de carte, chaque carte retombe d’un côté ou de l’autre avec la même probabilité. Si cette opération est répétée un grand nombre de fois, la configuration de désordre maximum sera l’état le plus probable !
Deux remarques intéressantes s’imposent alors. La solution d’équilibre, qui par définition est la plus probable, est le désordre ; de plus, un état macroscopique se définit au mépris de la diversité complexe des configurations microscopiques qui le génère.
Si, pour décrire une entité, nous entreprenions de prendre en considération chacun des états microscopiques qui engendrent un même état macroscopique, si, à cette alternative déterministe ou statistique nous préférions le choix arbitraire de l’un de ces événements microscopiques élémentaires, alors, cette démarche nous éloignerait sans doute de toute rigueur scientifique mais, rendrait à ces états microscopiques constitutifs d’un état moyenné, donc réducteur, une existence.
Considérons l’exemple d’un arbre. Qu’il soit botanique ou biologique, l’arbre est fractal car les branches maîtresses, issues du tronc, sont elles même des arbres. Le schéma élémentaire constitutif d’un arbre est un événement microscopique dont la répétition récursive constitue l’arbre lui même. Ce « générateur » est facilement identifiable – un tronc, des branches – et ses caractéristiques déterminent l’arbre. On pourrait d’ailleurs imaginer une multiplication des types de générateurs, comme autant d’états microscopiques constitutifs d’un même arbre.
Dans ce travail, je fais le choix donc d’extraire de chaque entité les éléments premiers qui la constituent : les générateurs. Ce choix est arbitraire et ne répond qu’aux besoins du sujet. Une entité est ainsi représentée par un élément qui la définit, qui la constitue ou qui la symbolise. Ainsi, je définis l’oiseau par l’action de voler (« je vole, je vole, … »), un chemin par sa fonction ou par celui qui le parcours (« je marche, je marche, … »), un arbre par la représentation géométrique dont il est constitutif (une fractale) et une idée par un symbole élémentaire (une ligne).
Mon choix des générateurs n’est ni universel ni univoque : une étoile peut être un numéro mais un numéro peut également être une date et une série de numéro, un immeuble, un prisonnier ou un condamné …


Générateurs
Je travaille sur le réel et sa représentation et explore dans cet objectif différentes voies. En particulier, et ceci est récurrent dans mon travail plastique, je développe une réflexion sur les échelles de perception et notamment sur le tangible et l’intangible. Je m’intéresse en particulier à l’insuffisance à nos sens à percevoir une réalité qui leur est inaccessible mais qui participe pourtant de notre perception.
Je consacre mon travail aux processus stochastiques microscopiques régissant la physique des particules. Les réflexions menées dans ce domaine dépasse largement le cadre de la physique. Dans mon travail plastique je me consacre au développement d’un mode d’expression qui redonnerait force à ces éléments microscopiques et parfois invisibles mais pourtant « générateurs ».
Je fais le choix d’extraire de chaque entité les éléments premiers qui la constituent. Je les nomme “générateurs”. Cette démarche est intimement liée au travail de recherche sur la physique des particules qui nous enseigne que l’équilibre c’est le désordre. Dans ce domaine un état macroscopique se définit en dépit de la diversité complexe des configurations microscopiques qui le génèrent. La notion de température par exemple est une information moyenne témoignant d’un degré d’agitation des particules. Une même température est accessible par une infinité d’état microscopiques équivalents.
Pour décrire une entité ou un état macroscopique (température), je choisis dans mon travail plastique de prendre en considération un des états microscopiques qui la réalisent. A l’alternative déterministe ou statistique je préfère ce choix arbitraire de l’un de ces événements élémentaires. Ma démarche se joue sans doute de la rigueur scientifique que mon quotidien de scientifique me demande mais, rend à ces états microscopiques constitutifs d’un état moyenné (et donc réducteur) une existence.


“Corollary”
La toile “Corollary” est le corolaire de la toile « reCOLLECTION » qui m’a été commandée sur le thème de la paix. Le corollaire est de mon point de vue meilleur que le théorème comme cela peut être parfois le cas en mathématiques. Cette toile illustre sans doute l’un des pires moment de l’histoire de l’humanité mais en démontre également l’extraordinaire capacité de tout un peuple à se redresser. C’est une référence à la terrible expérience que le Japon a traversé lors des bombardements nucléaires de Hiroshima et Nagasaki. J’ai cependant voulue une première lecture de cette toile claire et légère. Les cercles rouges évoquent la légèreté des coquelicots. Ils font référence au « disque solaire » emblématique du drapeau national Japonnais . Ils symbolisent l’enfance, l’espoir et la force. Le rond rouge est le symbole d’une tension apaisée. Les marques brulures sont les cicatrices éternelles avec lesquelles les japonais doivent vivre. La frise du bas est la photo d’un paysage urbain brulé. Elle symbolise le déroulement inexorable du temps. Le schéma se répète. Tout comme l’histoire. Le temps fait son œuvre de résilience.
Je maroufle du papier ancien à la colle à bois sur de la toile. Cette technique met la toile en tension de manière remarquable. J’utilise des encres , des pigments, des collages, des brulures… Le papier est utilisé vierge ou bien imprimé. La toile est alors protégée par l’application d’un verni. Cette dernière phase a pour vertu supplémentaire de contraster les couleurs. Le papier est jauni par le temps. Il est le garant de notre mémoire.


Les mots
Je travaille également à l’association de mots tapés sur une vieille machine à écrire ayant appartenu à ma mère. L’irrégularité des lettres produit une écriture fragile que je trouve belle car cabossée mais en équilibre sur une ligne imaginaire. Comme autant de figures d’oxymore ou de complétion, ces mots qu’ils s’opposent ou se complètent, entrent en résonance. Ce travail fait référence aux traités de Kandinsky ou Goethe sur la « sociologie » des formes et des couleurs. (peACE-wORd-dreAM-lIFe-refUSE-trUTh-hOPe-lINk-thinKING-redEMPTive-remINiscence-rECOLlection-proclAIMed-proCLAIMed-freeDOM-eARTh-seCURE-THINking-amID-alWAYS…)


Mémoire effective et mémoire affective
J’utilise des techniques d’impression et de collage sur toile. Je mélange des éléments peints et des éléments imprimés et collés. J’illustre ainsi une réflexion sur ce que j’appelle « mémoire affective » et « mémoire effective ». Les toiles sont des objets vivants. Ils vieillissent et évoluent. La peinture ne vieillira pas de la même façon que le papier imprimé. C’est ainsi que j’illustre ce différentiel que le temps nous impose. L’information que je reçois d’un visage est au moins autant le fruit de mon histoire avec la personne que de l’analyse objective de ses traits. La peinture conserve la mémoire du lien affectif que j’ai construit avec elle. Je m’en souviens autant que je la vois. Le papier va vieillir et jaunir inexorablement. Il me ramener à l’évidence du temps qui passe. C’est un indicateur, un témoin, un traceur.


« And they just made love in front of me »
La phrase « and they just made love in front of me » agit comme une invitation. Elle suscite notre curiosité et nous met au défit d’inventer la suite de l’histoire. Comme si l’on s’arrêtait après les premières lignes d’un roman. Cette phrase est extraite d’un texte de l’artiste Marina Abramovitch. Elle parle d’un cheval blanc et un cheval noir…


D.R.A.F.T. (2011 – Bordeaux et Paris)
C’est sans aucun doute l’exposition qui m’a mis le pied à l’étrier. Pour cette exposition j’ai présenté des brouillons collectés auprès d’un très large éventail de personnes (scientifiques, psychiatres, metteurs en scène, musicologues, musiciens, architectes, œnologues, … ) ce qui a suscité des rencontres toutes aussi heureuses qu’inattendues. Cette collecte m’a conduit à m’interroger sur la naissance de l’idée. Quelle qu’elle soit, l’idée qui mènera le futur projet de l’architecte, du physicien,… est souvent décelable à posteriori dans l’analyse de ces brouillons. C’est souvent un petit symbole, élémentaire, insignifiant, microscopique, presque invisible mais présent. C’est la naissance de l’idée.

 

 

 

 

 

 

 




“Rencontre avec Jean-Luc Feugeas” – Article de Glwadys Le Moulnier du 8 août 2017 pour le magasine Mowwgli
“Jean-Luc Feugeas est, disons le d’entrée de jeu, mathématicien ET artiste, les deux en même temps et entre autres… c’est une affirmation, c’est une question d’équilibre, d’ordre et de désordre, d’alignement.  Jean-Luc est vif, rapide, et je comprends vite que je vais devoir suivre le rythme. L’alignement, c’est ce que l’on cherche en se retrouvant devant une installation de l’artiste. Je me positionne au niveau du totem en face de la sculpture, et cherche la bonne position. C’est bon, je la tiens et là, la magie opère, le monde se cale. L’arrière plan, composite d’immeubles des années 70 avec ses volutes et matières sorties de l’espace et d’immeubles cossus en pierre bordelaise font un bon en avant. L’espace se réduit et la sculpture recule, pour aller rejoindre le paysage. Mais ce n’est pas tout, Jean-Luc m’attire vers un des angles et me montre alors un second point de vu. Je vois un cercle se former et une ligne menant à une tête de lampadaire (oui le monde se déforme quelque peu si on commence à tourner autour), on continue. Le cercle est maintenant une forme ovoïde et disparaît pour me laisser entrevoir le troisième point de vu qui, plus simplement vient rejoindre une bordure.
Ce qui intéresse Jean-Luc, c’est le temps, le rythme et l’individu.
Je m’attendais à avoir une discussion sur l’espace urbain, sur l’intégration de l’œuvre dans la ville (so 2005). Mais non, pas du tout, et ça pique ma curiosité, parce que je regarde quelque chose et j’entends quelqu’un qui me parle d’autre chose. Jean-Luc me parle de l’expérience de l’œuvre comme de la capacité pour chacun de questionner son équilibre. Face à une oeuvre abstraite, l’être cherche à ordonner ce qu’il voit. Seulement, l’ordre c’est le désordre. (…)
Je quitte Jean-Luc une heure après avec cette nouvelle perspective en tête et je retourne faire le tour de sa sculpture en me questionnant finalement sur ma relation personnelle à l’équilibre et surtout au déséquilibre. Que se passe-t-il si je « contrarie » le système? Que se passe-t-il si je refuse cet état de stabilité que m’accorde l’artiste, l’espace d’un instant? Voilà, ça, ça m’intéresse… Maintenant à vous de voir.”


Janvier 2015 – And they just made love in front of me – Ghyslain Bondoux, le 24 janvier 2015
J’ai trop chaud. Tout se tend. Rien ne m’oppresse et tout m’offense. De ce temps qui passe, tentaculaire. Je nous regarde de loin. Ils sont deux, fidèles représentants de ce temps. J’écris au rythme du funk, la basse me parle d’eux. Je nous sommes. Et ainsi, de ces temps modernes, vont nos vies. Sexe prend ses racines dans mes intimités enfouies. Je nous regarde et je bande. La mouille de tes quelques interventions au scalpel, déchirantes vérités, cris de vérités, volonté de tuer. Détruire. Coucher et désarmer. Poésie combattive et incongrue, tu ne sais pas le mal que tu donnes. Femme de mon temps. Tu roules des hanches sous les regards chargés de nos centres urbains, inconsciente de cette concupiscence latente. Pas sûr. C’est l’arme de ton sexe. Je nous regarde, en voyeur avide. La balance de nos seins, le mélange pileux de nos espaces pubiens. Les filaments infimes de nos rapports. Le râle du battu, le cri du puissant. Une conscience nous a été construite qui nous porte à l’étude des sons de l’autre, témoins de son état de jouissance positive. Jouissons, ensemble, de ces espaces de liberté. Que nous reste-il d’autre, amie, de libre, de facile et de personnel ? Et de profond ? Je nous observe, de loin. Ils sont dans une inconscience coupable, absent des règles grossières d’un monde inhabité. Je les observe. And they just made love in front of me.


Janvier 2015 – Entropie quand tu nous retournes – Ghyslain Bondoux, le 24 janvier 2015
Laisser le chaos créer son propre ordre. Entropie de ce que j’en comprends, peu scientifique que je suis. Entropie qui se compose de la relative conscience humaine ? Entropie née de l’anthropie. Jean-Luc m’a retourné l’esprit. Plus rien n’est vrai. Plus rien n’est faux. Aucune vérité n’existe que celle que nous conditionnons. Le déni est notre maitre, dépassé que nous sommes par la grandeur de nos découvertes incomplètes. Je laisse le chaos formuler à ma place les concepts, gérer ma réalité, lui donner de la consistance. Rien n’est plus chaotique que l’équilibre fragile dans lequel nous nous complaisons. Comment survivre à ca ? Quelle consistance donner à nos actes, comment concevoir l’infiniment grand, et le petit ? Tu peux crayonner, l’artiste, tes fractales ne donnent pas au commun de quoi se repérer dans l’écheveau de ces théories précises et larges, qui composent nos univers. Tes cheveux poussent au gré de ta recherche, tu noircis des toiles à mesure que l’entropisme te porte, tu composes une musique du temps qui ne nous est guère accessible, l’artiste. J’aime tes mots, ton sourire hors du temps. Aucun d’entre nous ne porte autant la lourdeur de la réalité froide de nos états animaux. On peut sans doute, à foison, écrire ce qui est, et bienheureux sont ceux qui savent, mais plus heureux encore les ignorants, qui ne vivent que dans le vécu, et l’espoir qui les porte vers un vécu plus grand. L’âme humaine se contente depuis des lustres de cette science inaboutie. L’ami, tu m’as bien des fois remué les sens. Souvent j’ai failli. C’est ma condition médiocre et belle. Ton art ne parle pas de la merde du temps et du sperme dépensé en de sordides ruades, pas plus que des doutes quotidiens. Tu éthéres le quotidien. C’est bien. J’ai le gout de tes évacuations mensuelles. Voyons nous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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